Le 6 novembre 2025, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) a publié une étude de cas mettant en lumière plusieurs campagnes de sensibilisation mises en œuvre en Europe qui ont pour objectif de lutter contre la violence au travail envers les professionnels de la santé et ceux du secteur médico-social.

La violence, un risque professionnel majeur du secteur

La violence à l’égard des soignants est un problème signalé dans différents Etats membres de l’Union européenne. Celui-ci entraine des conséquences négatives à la fois pour les travailleurs, mais aussi pour le système de santé dans son ensemble, notamment en termes d’augmentation du stress, de baisse de qualité des soins, de diminution de la motivation et de la satisfaction professionnelles, ou encore des problèmes structurels du fait que certains professionnels – particulièrement les femmes – quittent la profession, réduisent leurs heures de travail ou optent pour le temps partiel en raison de la violence. (de Raeve et al., 2023)

Face à ce phénomène, plusieurs pays européens ont mis en œuvre des campagnes de sensibilisation visant à réduire les agressions et favoriser une culture de respect parmi les patients, leurs proches et le grand public.

Principale conclusion

Selon l’étude de cas de l’EU-OSHA, les campagnes de sensibilisation atteignent leur plein potentiel lorsqu’elles s’inscrivent dans des stratégies globales et de long terme.

Pour être le plus efficace possible, elles doivent donc combiner des incitations aux changements comportementaux (sensibiliser le public au respect des soignants), des interventions structurelles (renforcer la sécurité dans les établissements de santé) et des réformes politiques (mettre en place des protections législatives pour le personnel de santé). (de Raeve et al., 2023 ; Wakefield et al., 2010).

C’est par exemple le cas de la loi italienne n°113 du 14 août 2020 « Dispositions en matière de sécurité des professionnels de la santé et des services médico-sociaux dans l’exercice de leurs fonctions » qui introduit un ensemble complet de mesures visant à lutter contre la violence au travail. Celles-ci comprennent notamment :

• des initiatives d’information institutionnelles et de communications sur l’importance du respect des professionnels de la santé ;
• la création d’un « observatoire national sur la sécurité des professionnels de la santé et des services sociaux » ;
• des modifications du code pénal (notamment l’introduction de peines et de circonstances aggravantes) pour les personnes qui causent des blessures graves ou très graves au personnel de santé dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions ;
• des sanctions administratives pour toute personne qui se livre à des actes de violence, d’insulte, d’agression ou de harcèlement à l’égard de ces professionnels ;
• la mise en place de protocoles de sécurité spécifiques avec la police, afin de garantir son intervention rapide.

De même, le « Plan global contre les agressions » développé depuis 2008 par le département régional de la santé de Castille-et-León (Espagne) met en œuvre un large éventail de mesures visant à prévenir la violence au travail contre les professionnels de santé.

Exemples de campagnes de sensibilisation

Italie

En mars 2023, le ministère de la Santé italien a lancé une campagne nationale intitulée « La violence ne guérit pas » (#laviolenzanoncura) composée d’affiches, de dépliants et de supports numériques. Elle met en avant l’effet contre-productif de s’en prendre aux professionnels du secteur médico-social en adoptant le slogan « La violence ne te fera pas te sentir mieux. Eux, si ». (La violenza non ti farà stare meglio. Loro sì).

De plus, la Fédération nationale des ordres médicaux (FNOMCeO) a lancé deux campagnes de sensibilisation destinées au grand public dans le but de prévenir les actes de violence dans les services d’urgence. La première, intitulée « Pendant que vous attendez » (Mentre aspetti), encourage les patients à réfléchir à ce qui se passe derrière les portes des services hospitaliers, ce qui favoriserait la patience et  l’empathie.

La deuxième, quant à elle, met en avant le caractère universel, équitable et solidaire du service national de santé italien (SSN) avec des messages tels que « Ici, nous soignons tout le monde, sans distinction » (Qui curiamo tutti, senza distinzioni) et « Nous faisons d’innombrables heures supplémentaires » (Facciamo ore e ore di straordinari, per questo).

Action initiée en 2017 et mise de nouveau en œuvre en 2024, l’association de consommateurs CODACONS a également distribué des autocollants à apposer sur les portes des hôpitaux, dont certains portant le message « La violence ne te guérit pas. Aujourd’hui, tu me frappes, et demain, je devrai peut-être te soigner… pense-y » (La violenza non ti cura. Oggi mi picchi e domani potrei doverti curare… pensaci).

Espagne

En Espagne, plusieurs gouvernements régionaux ont mis en place des campagnes institutionnelles de sensibilisation. Si certaines soulignent l’importance de respecter le travail des professionnels de santé, d’autres mettent l’accent sur les conséquences pénales découlant des agressions.

C’est, par exemple, le cas d’Ibiza qui a relayé la campagne intitulée « C’est un délit… » (Tiene delito…) affichée sur les écrans de veille des ordinateurs et les couloirs des établissements de santé.

Elle rappelle au public que « C’est un délit de m’agresser », « C’est un délit de m’insulter » ou encore « C’est un délit de me menacer ».

En outre, le Conseil des infirmières et infirmiers d’Almería (Andalousie) a lancé en février 2025 sa propre campagne intitulée « Plus d’agressions, protégez ceux qui prennent soin de vous » (No más agresiones, protege a quien te cuida). Exclusivement numérique, cette initiative consiste en la publication de vidéos présentant des témoignages réels d’infirmières.

France

Certains groupes hospitaliers français ont mené leurs propres campagnes de sensibilisation. C’est notamment le cas de l’hôpital universitaire de Bordeaux et de son initiative lancée en 2022 « Bienvenue en zone zéro violence » qui encourageait une culture de respect envers les professionnels de santé, en particulier dans certaines unités à haut risque comme la pédiatrie.  Cette campagne, comprenant affiches, badges et présentoirs pour les bureaux d’accueil, a été largement diffusée dans les journaux, sur les réseaux sociaux et sur certaines chaînes de télévision locales. En 2023, elle a obtenu le prix « Communication hospitalière » de la Fédération hospitalière de France.

Au niveau national, le ministère de la Santé français a lancé une campagne en décembre 2023 composée d’affiches et de publications sur les réseaux sociaux visant à modifier le comportement des patients violents en rappelant les conséquences juridiques de tels actes et à encourager les professionnels de santé victimes d’agressions à signaler systématiquement les incidents et à engager des poursuites judiciaires via une page d’assistance dédiée.

Affiches destinées au grand public (hôpitaux, cabinets médicaux privés et pharmacies) :

Affiches destinées spécifiquement aux professionnels de santé (salles de repos du personnel) :

Belgique

En février 2025, 26 hôpitaux belges ont lancé la campagne #SeeEachOther sous le slogan « Votre sourire fait du bien » qui invite les patients, les visiteurs et le personnel a adopté des comportements positifs. Ainsi, les bannières, affiches et publicités vidéo dans les halls des hôpitaux montrent des scénarios encourageant chacun à « veiller les uns sur les autres » et à favoriser le respect mutuel et la courtoisie. Cette campagne a été initiée suite à une enquête montrant que 85 % du personnel hospitalier avait été victime d’agressions et que 79 % estimait que ces incidents étaient de plus en plus fréquents.En savoir plus

Quels résultats ?

Évaluer l’impact de ces campagnes de sensibilisation reste complexe en raison du nombre limité de retours d’expérience ou d’enquêtes réalisées a posteriori. Néanmoins, plusieurs études internationales montrent l’effet globalement positif des campagnes de sensibilisation qui se traduit par des changements culturels et comportementaux (Wakefield et al., 2010 ; Lian & Xuefan., 2021).

En Europe, une étude de la Fédération européenne des associations d’infirmières (EFN) souligne le rôle essentiel de ces initiatives dans la réduction de la violence au travail à l’encontre des infirmières. Selon cette étude, ces campagnes informent la population sur les défis auxquels sont confrontés les infirmières et peuvent influencer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques visant à les protéger. Plusieurs entretiens qualitatifs menés auprès de praticiens montrent qu’elles contribuent positivement à accroître la visibilité du problème et à opérer un changement culturel parmi les citoyens.

Ce changement culturel encourage également les professionnels de santé à signaler les comportements violents et incite les institutions à réagir. Ainsi, des déclarations plus fréquentes peuvent expliquer, sur le court terme, l’augmentation des épisodes de violence signalés dans divers pays, comme en Espagne, où le nombre d’agressions enregistrées est passé de 1 629 en 2021, à 2 840 en 2023.

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